Un guide pratique pour récolter, tester, et multiplier ses propres graines – sans tomber dans les pièges classiques. De la salade au souci, en passant par les tomates du marché et les radis.
Quand on se lance dans un potager ou un jardin, l’achat de graines peut vite devenir un budget. Pourtant, il existe plein de manières de récupérer des graines gratuitement : dans ses propres cultures, chez des ami·es, dans des grainothèques… ou même en mode ninja, dans l’espace public. Mais attention : toutes les graines ne se valent pas.
Avant de se lancer dans la récup’, voici ce qu’il faut savoir pour éviter les mauvaises surprises.
☆ Toutes les graines ne sont pas “reproductibles”
1. Qu’est-ce qu’une graine “hybride F1” ?
Les hybrides F1 sont des variétés issues d’un croisement très précis entre deux lignées sélectionnées. Elles sont souvent plus vigoureuses, plus uniformes, parfois plus productives… mais leurs graines ne donnent pas des plantes fidèles. En deuxième génération (F2), on obtient un mélange imprévisible de caractères, parfois très loin de la plante de départ.
✔ À éviter pour la reproduction : si une étiquette mentionne “F1”, ne récupère pas les graines, sauf pour expérimenter.
2. Et les variétés “fixées” ou “anciennes” ?
Les variétés non hybrides (aussi appelées populations, variétés paysannes ou anciennes) se reproduisent à l’identique, si certaines conditions sont respectées.
☘︎ Si la plante est autogame (elle se pollinise elle-même), comme la tomate, laitue, pois ou haricot, le taux de fidélité est supérieur à 95 %.
★ NB : la laitue est un excellent exemple d’autogame. Même cultivée à proximité d’autres variétés, elle se croise rarement. Il est donc tout à fait possible de récupérer ses graines avec une très bonne fidélité à la variété d’origine.
☘︎ Si elle est allogame (elle a besoin d’un pollen extérieur), comme la courgette, chou, maïs ou carotte, la fidélité dépend des croisements possibles à proximité. Il peut y avoir des surprises… parfois comestibles, parfois bizarres.
⚠︎ Les cas à risque : attention aux hybrides “invisibles”
✖︎ Les courges
Les courges du même groupe botanique (ex : Cucurbita pepo) peuvent s’hybrider entre elles : une courgette peut se croiser avec une citrouille décorative, et la descendance peut contenir des molécules amères toxiques (la cucurbitacine). Ça ne se voit pas toujours… mais ça se goûte. Et ça peut être dangereux.
➡︎ Conseil : ne jamais récupérer des graines de courges décoratives, ni de potirons dont on ignore l’origine.
⚖︎ Un mot sur la légalité
Peut-on récupérer des graines dans les jardins publics ou sur la voie publique ?
Il n’existe pas de loi spécifique sur la récolte de graines, mais plusieurs principes s’appliquent :
☘︎ Dans un jardin privé (même ouvert au public) : les plantes appartiennent au propriétaire. Récolter des graines sans autorisation peut être considéré comme du vol ou de la dégradation.
☘︎ Sur l’espace public : c’est plus flou. Si les plantes sont clairement décoratives ou font partie d’un aménagement municipal, mieux vaut s’abstenir ou demander à un agent communal. En revanche, des plantes sauvages poussant spontanément sur des terrains non entretenus sont rarement protégées… mais attention aux espèces protégées.
☘︎ Plantes cultivées dans des champs agricoles : c’est strictement interdit. Même quelques graines peuvent poser problème (propriété intellectuelle, sécurité sanitaire, etc.).
➡︎ En résumé : pas de panique si vous attrapez quelques graines de fleurs sauvages au bord d’un chemin, mais restez discret·e, respectueux·se… et évitez les lieux entretenus par d’autres sans leur accord.
☀︎ Où trouver des graines gratuites (et fiables) ?
➤ Dans son propre jardin
Si on cultive des variétés non F1, et qu’on isole bien certaines espèces (ou qu’on accepte les croisements), on peut produire ses propres semences année après année. Une forme d’autonomie gratifiante et économique.
➤ Bonus perso : la méthode « freestyle » pour les salades (et autres)
Une technique que j’aime bien, c’est de laisser grainer plusieurs variétés de salades, en particulier les plus grosses et les plus belles… et laisser faire la nature. Les graines se dispersent au sol, et certaines repoussent toutes seules à l’automne ou au printemps suivant.
C’est une sorte de sélection naturelle maison : les variétés qui reprennent spontanément sont potentiellement plus adaptées à ton sol, ton climat et ton rythme de jardinage (surtout si tu es du genre un peu désorganisé·e !).
✔ Ce n’est pas très académique, mais c’est fun, souvent efficace, et ça permet aussi d’observer ce qui repousse naturellement avec vigueur, calibre et régularité.
➤ D’autres légumes qui se prêtent bien à cette approche « laissez-faire »
☘︎ Roquette, mâche, coriandre, aneth, fenouil, persil, radis, betteraves, blettes, choux asiatiques, navets, moutardes…
✔ Ces essais “sauvages” permettent d’observer ce qui revient sans ton aide… et donc ce qui a le plus de chances de réussir chez toi.
➤ Fleurs compagnes : jolies, utiles, et récupérables
☘︎ Capucine, souci, œillet d’Inde, bourrache, muflier, cosmos, coquelicot…
✔ Laisser une zone “libre” où ces fleurs se resèment d’année en année est une belle façon de créer un jardin semi-sauvage, vivant, et peu coûteux.
➤ Graines et légumes du supermarché : que peut-on récupérer ?
☘︎ Tomates, poivrons : testez les graines si le goût est bon et que ce n’est pas du F1. Vérifiez si la variété est mentionnée sur l’étiquette ou sur la caisse : certains producteurs (surtout en circuits courts) indiquent la variété, ce qui peut aider à juger du potentiel reproductible. Les tomates anciennes ou les poivrons un peu biscornus sont de bons candidats.
☘︎ Courges bio locales : à tenter avec prudence. En agriculture biologique et dans les petits jardins locaux, il y a souvent davantage de diversité variétale à proximité. Cela augmente les risques de croisement par rapport à des cultures en grandes parcelles ou en monoculture. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas tenter : simplement, mieux vaut ne pas tout miser dessus.
☘︎ Kiwano & cucurbitacées exotiques : souvent fiables car isolées génétiquement. Peu de risques de croisement, car leurs cousins sont rares dans nos jardins.
✔ Si le goût vous plaît, que la provenance est correcte, et que la variété semble stable, ça peut valoir le test.
➤ Et les graines qu’on achète directement en supermarché en vrac ?
On parle ici des graines vendues en sachets alimentaires, souvent pour l’alimentation humaine :
☘︎ Graines de tournesol, courges, sésame, lin, fenouil, aneth, coriandre, etc. : certaines peuvent tout à fait germer si elles ne sont pas grillées, salées ou stérilisées (privilégier le bio et le non-traité). C’est très variable, donc n’hésitez pas à faire un test de germination sur un coton humide.
☘︎ Graines de chia, pavot, moutarde, cresson… : beaucoup sont viables ! Certaines peuvent même être utilisées en semis de jeunes pousses comestibles, ou testées au jardin.
✔ Ce n’est pas garanti, mais pour quelques centimes, cela peut donner des surprises intéressantes – ou simplement faire la main avant de semer plus sérieux.

➤ Faire repartir un légume entier : curiosité bonus
☘︎ Une salade entière avec cœur ou une carotte avec collet peuvent être replantées pour produire des graines.
➡︎ Intérêt : surtout pédagogique, ou pour produire ses semences de légumes racines.
✽ En résumé
Type de graine | Fidélité de la descendance | Risque d’hybridation | Recommandé pour la reproduction ? |
---|---|---|---|
F1 | Non | – | Non |
Autogame non F1 (tomate, haricot…) | >95% | Faible | Oui |
Allogame non F1 (courge, maïs…) | Moyenne | Élevée | Oui si isolement |
Graine d’origine inconnue (ex : supermarché) | Variable | Variable | À tester sans garantie |
Fleurs compagnes (capucine, souci…) | Haute | Faible | Oui |
➡︎ Pour aller plus loin
Si ce sujet t’intéresse, je proposerai bientôt un atelier en ligne sur la production de semences au jardin, avec des fiches pratiques, des cas concrets… et des retours d’expérience (même les ratés).
➡︎ Et si tu veux soutenir ce genre d’initiative pédagogique, voici la campagne Ulule en cours !