Quand on parle d’autonomie alimentaire, la première question qui revient, c’est : “Est-ce que ça vaut le coup, financièrement ?” Spoiler : la réponse est compliquée. Ça dépend de tes valeurs, de ton temps disponible, de tes priorités… et surtout de ce que tu mets dans ton assiette.
Plutôt que de rester dans l’abstrait, commençons par un point de repère très concret : combien coûte une alimentation conforme aux recommandations officielles.
1. Combien coûte une alimentation équilibrée (PNNS) pour une famille de 4 ?
Le PNNS (Programme National Nutrition Santé) recommande 400 g de fruits et légumes par jour et par personne (200 g de fruits + 200 g de légumes). Pour une famille de 4 (2 adultes + 2 enfants), ça représente 19 produits différents dans un panier type.
Selon l’Observatoire Familles Rurales 2025, ça donne :
- Panier conventionnel : 133 €/mois → environ 9,4 % d’un SMIC net.
- Panier bio : 254 €/mois → près de 17,9 % d’un SMIC net.
- Version minimaliste (5 produits les moins chers) : 62 €/mois en conventionnel, 103 €/mois en bio.
👉 Moralité : même en restant au minimum, manger 5 fruits et légumes par jour pèse lourd dans le budget. Et il est fort probable que beaucoup de foyers ne puissent pas suivre ces recommandations faute d’argent à y consacrer. Si c’est ton cas aussi et que tu veux trouver une alternative plus saine, suis cette série d’articles !
2. Fruits et légumes : l’évolution des prix face aux salaires
Autre chiffre qui pique : en dix ans (2015 → 2025) :
- Fruits : +59 %
- Légumes : +64 %
- Salaire moyen par tête : +27 %
Autrement dit, les fruits et légumes augmentent deux fois plus vite que les salaires. Cultiver toi-même ne résoudra pas tout, mais ça peut servir de bouclier anti-inflation pour certaines productions.
3. Autonomie alimentaire : quels produits cultiver, élever ou acheter ?
💡 À propos des chiffres
Pour établir ce comparatif, je me base sur les données de FranceAgriMer (août 2024 → août 2025), qui publie chaque mois les cours moyens des fruits, légumes et autres produits agricoles en France. C’est une excellente source pour suivre l’évolution des prix. Garde en tête qu’il s’agit de moyennes nationales :
- tu trouveras souvent moins cher en hard-discount ou en direct à la ferme,
- et parfois plus cher dans certaines boutiques bio en ville.
L’idée n’est pas de donner des prix figés, mais des repères pour savoir quels produits valent le coup d’être cultivés chez toi… et lesquels il vaut mieux acheter.
🥇 Les végétaux les plus chers au kilo → à produire soi-même
Fraises / fruits rouges
- Prix moyen : 9–17 €/kg selon saison et bio.
- Pourquoi éviter l’achat : prix exorbitant, rendement correct en potager.
- Astuce : installe quelques fraisiers remontants → 2–3 kg par m²/an. Tu peux aussi planter des framboisiers remontants : on trouve des rejets pas chers sur Leboncoin. Et si tu veux faire des confitures, congèle ta récolte au fur et à mesure de la saison.
Tomates cerises
- Prix moyen : 11–12 €/kg (France).
- Pourquoi éviter l’achat : coût disproportionné par rapport au rendement maison.
- Astuce : sème des variétés productives, un simple tuteurage suffit → jackpot.
Ail blanc sec
- Prix moyen : 18–19 €/kg (France).
- Pourquoi éviter l’achat : très cher, alors que ça se plante en quelques lignes.
- Astuce : plante à l’automne, conserve en bottes suspendues. Et si ton sol n’est pas idéal, récolte-les verts : ça s’appelle de l’aillet.
Aubergine
- Prix moyen : 5,5–6,5 €/kg (France).
- Pourquoi éviter l’achat : prix doublé par rapport au conventionnel, alors que ça pousse facilement sous serre ou tunnel.
- Astuce : 3–4 plants suffisent pour couvrir les besoins d’un foyer.
Courgette
- Prix moyen : 5–6 €/kg à l’automne/hiver.
- Pourquoi éviter l’achat : un seul plant peut produire 10–20 kg sans effort.
- Astuce : sème en mars-avril, récolte tout l’été, congèle ou mets en bocaux (ratatouille, gratins…).
Poivron
- Prix moyen : 6–7 €/kg (France bio), 4–5 €/kg en conventionnel.
- Pourquoi éviter l’achat : cher toute l’année, alors qu’un pied peut donner plusieurs kilos.
- Astuce : sème tôt (février-mars), repique sous serre ou en plein sud, paille bien. Conservation facile : congélation en lamelles, grillé en bocaux ou séché.
🥔 Les produits les moins chers au kilo → à acheter sans scrupule
Pommes de terre
- Prix : 0,80–1 €/kg en sac de 5–10 kg, 2 €/kg en vrac GMS.
- Quand acheter : septembre–décembre.
- Astuce : beaucoup d’agriculteurs en font en rotation, achète en sacs de 25 kg direct à la ferme. Stocke au frais (cave, silo).
Carottes
- Prix : 1,5–2 €/kg conv., 2,2–2,5 €/kg bio.
- Quand acheter : fin d’été, automne.
- Astuce : conserve en sable humide ou congèle en rondelles.
Concombres
- Prix : 1,2–1,7 €/pièce conv., 1,8–2 €/bio.
- Quand acheter : été (juin–août).
- Astuce : abondants en saison, privilégie marchés ou AMAP.
Laitues (batavia, feuille de chêne, pommée)
- Prix : 1,2–1,5 €/pièce conv., 2 €/bio.
- Quand acheter : toute l’année, avec un pic de fraîcheur au printemps.
- Astuce : inutile d’en produire trop, c’est toujours bon marché localement.
Oignons jaunes
- Prix : 2,3–2,5 €/kg conv., 3–3,5 €/bio.
- Quand acheter : fin d’été, automne.
- Astuce : stocke en filets suspendus dans un endroit sec et ventilé.
🥚🍗 Protéines et produits animaux : œufs, lait, viandes
Œufs
- Prix moyen : 0,25 à 0,40 €/œuf selon label.
- Autonomie : 3 poules = 500–600 œufs/an, soit largement de quoi couvrir tes besoins.
- Astuce : privilégie les poules de réforme ou chez des particuliers pour plus de robustesse.
Lait
- Prix moyen : 0,97 à 1,20 €/L.
- Autonomie : irréaliste en dehors d’une ferme (traite quotidienne, transformation).
- Conclusion : à acheter, surtout que le lait bio reste abordable.
Volailles (poulets de chair)
- Prix moyen : 6,7–12 €/kg selon label.
- Autonomie : possible mais demande plus d’organisation (lots réguliers, alimentation adaptée).
- Astuce : congèle, prépare bouillons ou conserves.
Lapin
- Prix moyen : 11–12 €/kg.
- Autonomie : facile techniquement, mais sensible aux maladies.
- Astuce : élevage possible en clapier familial, reproduction rapide.
Porc
- Prix moyen : 6,8–7,5 €/kg.
- Autonomie : lourd en contraintes, plutôt réaliste en collectif ou à la ferme.
Bœuf & agneau
- Prix moyen : 15–26 €/kg.
- Autonomie : irréaliste à l’échelle domestique.
- Conclusion : à acheter ponctuellement, idéalement via un éleveur ou en AMAP.
🌿 Récoltes sauvages : un bonus gratuit pour l’autonomie alimentaire
On a vu pas mal de chiffres et de prix au kilo. Pas très digeste. Exactement comme la quantité de myrtilles que tu vas engloutir lors de ta prochaine balade en forêt.
Et oui, transition douteuse pour enchaîner sur ce qui est totalement gratuit (hors bocaux et séchoirs) : les plantes sauvages. C’est même par là que tu pourrais commencer si tu penses autonomie alimentaire : ça demande déjà un engagement, parce qu’il faut sortir au bon moment. Tu veux des châtaignes ? Comme au potager, tu as intérêt à ne pas louper la fenêtre de récolte.
J’ai grandi avec ce rythme : fin d’été et début d’automne, c’était la folie entre noix, noisettes, châtaignes, champignons, baies… et le congélateur qui se transformait en partie de Tetris.
Donc si tu veux tester un premier pas vers l’autonomie, commence par ça : cueillir ce que la nature offre sans effort. C’est simple, gratifiant, et ça t’apprend vite à t’organiser selon les saisons. (Et si ça t’intéresse, tu trouveras plein de fiches sur la cueillette sauvage sur mon blog et mon Pinterest.)
🧾 Budget, autonomie… et arbitrages à faire
En résumé :
- Si tu cherches le levier budgétaire : tomates, fraises, poivrons, petits fruits, œufs, poulets/lapins si motivé.
- Si tu vises l’autonomie calorique : pommes de terre et courges restent imbattables.
- Si tu veux la fraîcheur ou le plaisir : salades, concombres, courgettes, aromatiques, ou plantes atypiques pour varier.
- Si tu regardes les protéines animales : œufs = top autonomie, poulet/lapin possible mais exigeant, le reste (porc, bœuf, agneau, laitages) reste plus rationnel à acheter.
Et surtout : soutenir un maraîcher ou un éleveur local, rejoindre une AMAP ou faire des achats groupés reste parfois plus logique que de tout produire. Viser une autonomie partielle (30–50 %) offre déjà un super équilibre entre économies, diversité alimentaire et qualité de vie.
👉 Dans les prochains articles, on parlera de rendements et de besoins annuels par personne. Si tu veux commencer à budgétiser et réfléchir à ton futur projet, reste connecté !